La progression d’un enfant ou d’un jeune en escalade est étroitement liée à l’évolution de son développement cognitif et moteur. En effet, les enfants et jeunes présentent au fur et à mesure de leur croissance des évolutions anatomiques, physiologiques et nerveuses qui permettent une amélioration progressive de l’acte moteur. De plus, sa compréhension des exercices, des règles de sécurité, la gestion de leur comportement et de leurs émotions, leur mental ainsi que leur motivation vont également évoluer au fur et à mesure de la croissance et des expériences vécues.
Les chapitres qui vont suivre ont pour objectif de mettre en lien certains aspects de l’escalade avec le développement de l’enfant, et ainsi donner au moniteur des connaissances pour construire ses cours d’escalade en fonction de leur âge et de leur pratique en escalade : il s’agit d’éviter de proposer des exercices trop complexes à un moment où son stade de développement ne le permettrait pas, et en même temps contribuer à son développement harmonieux en utilisant l’escalade comme support. En effet, pratiquer l’escalade très tôt favorise le développement psychomoteur et stimule la croissance et l’amélioration des différentes fonctions.
Développement cognitif et moteur
Dans l’acquisition des comportements moteurs, il existe au niveau du système nerveux, un « précablage » potentiel dont l’utilisation est rendue possible par l’exercice. Harrow, présente une classification par ordre d’apparition des comportements, qui se base sur l’évolution du système nerveux :
Niveau 1 : mouvements réflexes : flexion, extension, succion, posturaux
Niveau 2 : mouvements fondamentaux de base : mouvements locomoteurs (marcher, courir, sauter, grimper, etc.), non locomoteurs (pousser, tirer, lancer, rattraper, etc.), ou manipulatifs (utilisation des segments corporels distaux (bras, mains) et qui ont trait à la manipulation fine (trier, tracer, etc)
Niveau 3 : Aptitudes perceptives : visuelles, kinesthésiques et auditives qui permettent à l’enfant d’adapter un mouvement fondamental de base à une situation donnée. Développement privilégié de 3 à 8 ans.
Niveau 4 : Aptitudes physiques : endurance, force, souplesse, vitesse, agilité.
Niveau 5 : Habiletés motrices : elles s’appuient sur la maîtrise des point précédents ; ce sont des systèmes de mouvements coordonnés, en fonction d’un résultat, d’un effet escompté ou d’une intention. Développement privilégié de 7 à 12 ans.
Niveau 6 : Communication non-verbale : mouvements expressifs (postures, démarches, mimiques, expressions faciales, etc.), interprétatifs, esthétiques créées à partir d’habiletés motrices poussées à un haut niveau d’entraînement.
Développement cognitif et moteur de 0 à 3 ans
Piaget parle du stade sensori-moteur où le vécu est l’élément dominant : c’est le stade du vécu moteur : l’enfant mobilise ses différentes parties intuitivement ; Il utilise et vit son corps à travers ses différentes actions. Au niveau moteur, à ce stade, on parle surtout de mouvements réflexes (flexion, extension, succion, posturaux)
L’enfant agit par désir et se mobilise en fonction du but à atteindre (pas d’analyse du geste réalisé). Il est « déménageur », « acrobate », il expérimente ses actions sur les objets. Il réalisera beaucoup de progrès moteurs par la répétition, en ce qui concerne le contrôle postural, l’interaction dynamique avec le milieu, et la conquête de l’espace locomoteur (4 pattes, manipulation des objets, acquisition progressive de la marche).
Ces comportements sont des comportements ou habiletés motrices rudimentaires, et l’apparition de mouvements moteurs ne se fait pas qu’en fonction de l’évolution physiologique, mais également par la répétition des différents mouvements et l’utilisation des sens.
Vers 2-3 ans, il devient propre. Il commence à « maîtriser » son corps.
Amélioration du mouvement selon Gallahue : Entre 2 et 3 ans : stade initial : le comportement apparaît à l’état d’ébauche : l’action est limitée au mouvement des membres et les autres parties suivent plus ou moins bien ; l’enchaînement est approximatif, incomplet ; l’amplitude des déplacements est extrêmement limitée. Par la suite, il adopte des conduites plus structurées et complexes.
Vocabulaire vers 2-3 ans : Mains, pieds, nez, yeux, cheveux, bouche, oreilles, dos, ventre, bras, jambes, tête. 2-3ans : grand, petit, épais, mince.
Devant, derrière, sur, sous, dedans, dehors, en haut, en bas.
Prise de conscience d’une possibilité de choix dans les directions à prendre pour aller à un même endroit.
Développement cognitif et moteur de 3 à 6 ans
Piaget parle du stade préopératoire où la pensée est dite « intuitive », liée à l’action et la perception de l’enfant. Elle est encore confuse, pas de chronologie et de lien de cause à effet.
La connaissance du corps est dite « égocentrique » : en prenant son corps comme objet de perception, il reconnaît ses différentes parties de son corps et peut décrire leur forme et leur importance relative (place, orientation, situation, etc.) et le situer dans son environnement. Il perçoit de mieux en mieux les différentes parties de son corps en distinguant leur utilité et leur rôle dans l’exécution de chaque mouvement car le milieu l’y oblige constamment.
La perception est indifférente (pensée préopératoire) : l’enfant grimpe sans se soucier du réel, il est dans l’action. Il évolue de manière intuitive sans distinguer par où il va, sans prendre de recul par rapport à la situation. Il n’y a pas de prise de conscience de la perception.
La prise d’informations est très limitée et inconsciente. Il prend la première prise qu’il voit, sans analyse de situation et recherche de solution cohérente.
Pour trouver son équilibre, il fait confiance à ses réflexes naturels d’équilibration et à son bagage moteur et sensitif dans l’acte de grimper en tant que mouvement fondamental de base (Harrow, 1982).
3-4 ans : Il classe des formes géométriques de couleurs différentes ;
4 ans : Dents, joue, front, genoux, épaules, coudes, cou, pouce, ongles, lèvres, talon, menton, rond, carré, couché/horizontal, debout/vertical
À côté, loin, près, loin, contre, autour, moyen, peu, beaucoup.
À 4 ans : Il peut tenir sur un pied pendant quelques secondes. Il peut sauter à cloche-pied sur une longueur de deux mètres mais uniquement avec le pied dominant.
Progressivement, la pensée dépassera le « ici et maintenant » : l’imitation est intériorisée et peut se reproduire en l’absence de modèle, il parvient à refaire ce qu’il a vu faire dans un autre temps que celui de l’action. L’enfant commence à se représenter les actions mentalement : il peut se représenter mentalement (faire des images mentales) des événements ou des objets qui ne sont pas physiquement présents.
5 ans : On parle de l’étape du « corps agi » : la prise de conscience de son propre corps permet à l’enfant de corriger un geste et l’améliorer.
Il saute à cloche-pied sur les deux pieds, mais il subsiste une différence de distance parcourue selon le pied choisi. Il peut inventer un geste ou trouver différentes façons de passer un obstacle.
Cils, sourcils, poignets, narines
Droit, entier, rectangle, minuscule, lisse, rugueux
Contre, partout, tourner, entrer, sortir, en arrière, en avant, haut placé
Jusqu’à 5-6 ans, l’enfant centre tout sous son propre point de vue, et n’imagine pas que quelqu’un peut avoir un autre point de vue que le sien. Il ne peut pas se décentrer (ex : il a de la peine à se représenter que le grimpeur a peur, « qu’il tient sa vie entre ses mains »). C’est la pensée égocentrique.
La latéralité est en voie de s’affirmer à 5 ans, et la dominance latérale est confirmée à 7 ans.
Vers 5, 6 ans il peut faire des regroupements sur base de la couleur ou de la forme. Cependant, la réversibilité n’est pas encore acquise et le passage en sous-catégories et la réunion en groupe n’est pas encore possible.
Vers 6 ans, le raisonnement de l’enfant se modifie progressivement et les réponses égocentriques diminuent. La réversibilité apparaît et il peut analyser certains rapports et coordonner entre elles les données de perception.
Le dessin (évolution du bonhomme) et le langage évoluent.
6 ans : Gauche (sur lui), droite (sur lui), penché, au milieu, dedans, sous, entre, monter, descendre, rouler, seul, ensemble, haut/bas et avant/arrière sans se référer au corps propre, notion de partout.
Chevilles. Demi, gros, fin
Conservation du liquide
Les jeux symboliques apparaissent également durant cette période : un objet peut devenir le substitut, le représentant d’un autre objet. L’enfant s’approprie la réalité qu’il perçoit en la « rejouant » symboliquement. Ces jeux symboliques seront des moyens d’adaptation intellectuelle et affective. L’enfant transforme et invente. Ces activités de « symbolisation de l’espace » favoriseront le processus de mentalisation de l’espace chez l’enfant, indispensable pour la continuité de sa structuration spatiale. Ces représentations sont toutefois limitées par le fait que l’enfant ne peut encore penser logiquement. Dans les jeux symboliques, on donnera un rôle fictif à des prises, une voie (d’une même couleur), une partie du mur, le sol, etc.
Au niveau moteur, à 6 ans, l’enfant est encore à l’étape où il perçoit les différentes parties du corps (corps perçu). La perception centrée sur son corps lui permet de corriger un geste et l’améliorer. Il peut s’orienter et orienter son corps dans l’espace en se prenant lui-même comme référence. Il distingue leur utilité et leur rôle dans l’exécution de chaque mouvement car le milieu l’y oblige constamment (ex : s’il « oublie » de poser ses pieds, tout le poids du corps est sur les bras et c’est très fatigant).
À cet âge, l’enfant développera les habiletés et comportements moteurs fondamentaux qui lui serviront d’assise à des formes de mouvements plus spécialisées. Il s’agit de :
*Différents mouvements locomoteurs (marche, course, saut, grimpe, déplacements combinés (galop, cloche-pied, pas chassés, etc.) ;
*Différentes mouvements non locomoteurs (pousser, tirer, lancer, attraper, frapper de la main, etc.) ;
*Diverses formes de manipulation (utilisation des segments corporels distaux (bras, mains) et qui ont trait à la manipulation fine (trier, tracer, etc.) ;
*Diverses activités d’équilibre et de stabilité, incluant les réactions d’équilibration.
Amélioration du mouvement selon Gallahue :
*Entre 4 et 5 ans : stade intermédiaire : la coordination des séquences de l’action s’améliore, le contrôle moteur est en progrès, les synergies musculaires s’affirment, les déplacements gagnent en amplitude, mais les mouvements sont encore étriqués et maladroits et on note un manque de fluidité dans les enchaînements.
*Entre 6 et 7 ans : stade final : acquisition du comportement : coordination et fluidité des mouvements, les synergies musculaires agissent efficacement, et l’action se fait avec amplitude et continuité, ce qui entraîne une amélioration rapide de la performance.
Développement cognitif et moteur de 7 à 12 ans
Piaget parle du stade opératoire, ou stade des opérations concrètes. Une opération est l’ensemble de schèmes internes, abstraits et puissants, comme la réversibilité, la soustraction, l’addition, la multiplication, la division, la sériation. L’enfant peut penser logiquement les événements concrets ; percevoir les analogies concrètes et effectuer des opérations arithmétiques (opérations mathématiques, conservation de la matière). Les opérations mentales réalisées portent sur des objets réels, concrets, manipulables.
Paoletti : « Le passage au stade opératoire marque le début d’une perception et d’une représentation de soi plus objectives. (…) A partir de 7ans, les principaux progrès observables en ce qui concerne la connaissance spatiale du corps sont liés à la capacité d’apprécier de manière projective, métrique et euclidienne les relations qui existent entre le corps en tant qu’élément du réel et les autres éléments, ainsi que les relations entre ses parties constitutives ».
La réversibilité permettra l’évolution de l’intelligence et la compréhension des schèmes. L’enfant doit prendre conscience qu’une action puisse s’effectuer dans les deux sens et qu’il s’agisse de la même action. La réversibilité sous-entend la prise de conscience de la notion d’invariant (changements de place, temps, les données et la transformation, les objets restent identiques). Exemple : il comprend que si on transforme un boudin de pâte à modeler en boule, la quantité est conservée. S’il n’est pas conscient de cette notion, il en est encore à la notion de renversabilité, et n’est pas encore au stade opératoire.
La pensée se détache de la perception momentanée, et l’enfant peut agir en réalisant une démarche cognitive en prenant du recul par rapport à ses intuitions et perceptions. Il a besoin malgré tout de garder des éléments concrets comme repère dans sa démarche cognitive (opérations concrètes) : les opérations mentales réalisées portent sur des objets réels, concrets, manipulables. Il pourra développer des stratégies pour mieux mémoriser ce qu’il apprend. Il devient capable de se représenter un objet en mouvement. Ex : l’enfant commence à pouvoir visualiser le nœud en huit et le reproduire avec un bout de corde à partir d’une photo ou un dessin.
Il y a encore un décalage entre la capacité d’enregistrer de nouvelles expériences motrices en un clin d’œil et fixer dans la mémoire ce qui a été appris, cela reste « brouillon dans leur tête »
La précision des termes évolue :
7 ans : Gauche/droite sur autrui – Hanche, nuque, pommette – Plier, tendre, tirer, pousser/ petit, rond, creux, inversé, distinction du losange et du carré.
7-8 ans : classements sous forme de tableau à double entrée en fonction de divers paramètres, de comparer un ensemble à un sous-ensemble, la partie au tout. Conservation du poids
8 ans : Gauche/droite en face à face – Mollets, paupières, avant-bras, paumes
10 ans : Tempes
10-11 ans : conservation du volume
Au niveau moteur, l’enfant de 7 ans commence l’étape de la connaissance du corps (corps connu) : il s’agit de l’étape où il apprend à connaître les éléments constitutifs du corps : les reconnaître, les situer, ou encore les nommer. La dénomination des parties du corps favorisera la représentation mentale de celui-ci. La plupart des auteurs sont d’accord pour affirmer que l’enfant ne peut « mettre en relation » son corps avec l’environnement sans une bonne connaissance de ses différentes parties. On entend par « mise en relation » la capacité de l’enfant à orienter et organiser son corps en relation avec le monde extérieur. L’orientation se basera sur la position du corps dans l’espace, et l’organisation la capacité à mobiliser le corps en fonction des caractéristiques de l’espace. L’orientation et l’organisation corporelle se développent à la fin de l’étape du corps perçu et lors de l’étape du corps connu.
« Sur le plan moteur, l’enfant a déjà une bonne maîtrise de son corps depuis l’âge de 5 ans ; de 7 à 9 ans, il va développer des actes moteurs plus élaborés, davantage conformes à ses intentions. Il devient capable de reporter à plus long terme le résultat de ses actes ou la satisfaction à laquelle il aspire. » B. Fontaine. Ex : « j’ai envie d’arriver tout en haut du mur ».
C’est donc une période favorable pour proposer à l’enfant des exercices d’organisation et d’orientation dans l’espace vertical. L’enfant peut progresser techniquement car il a conscience de son corps et de l’importance des placements de chacune des parties. Il peut dissocier les différentes parties de façon plus fine et peut ainsi corriger des gestes plus complexes
On cherche à agrandir ainsi son répertoire gestuel, combiner des mouvements plus difficiles, ou réaliser des mouvements connus dans des conditions plus difficiles (même mouvement avec des prises plus petites ou plus espacées, prises de pieds plus petites, etc.).
Après 11 ans, l’enfant passera au stade des opérations abstraites : il pourra manipuler cognitivement des notions abstraites. En d’autres termes, il aura de moins en moins besoin de repères concrets pour raisonner mentalement.
Vers 10-12 ans, il pourra corriger un geste complexe : affiner son mouvement, rechercher l’économie du geste (il ne s’agit plus simplement de le réussir, mais de le réaliser correctement), affiner les sensations.
Vers 12 ans : adapter son geste aux circonstances immédiates : pouvoir s’adapter aux prises qui se présentent, travailler son escalade « à vue » (càd réussir la voie sans l’avoir vue auparavant). Cela nécessite un bon bagage gestuel, de savoir gérer son effort. Améliorer sa capacité d’observation en grimpant, élargir le champ visuel : prendre toutes les informations et utiliser toutes les prises à disposition.
Plus tard, avec l’augmentation du bagage gestuel, l’affinement des sensations ainsi que l’amélioration de la lecture des voies, il sera capable de projeter ses différents membres et leur action sur la paroi. Cette étape n’est possible qu’à partir de 11-12 ans, quand le schéma corporel est construit et intégré correctement. Nous pourrons dès lors nous concentrer sur le développement gestuel du débutant au grimpeur confirmé, en sachant que le développement moteur de l’enfant le limite dans sa progression gestuelle par rapport à l’adulte (jusqu’au plus tard 12 ans).
Escalade et schéma corporel
Le développement moteur de l’enfant est étroitement lié à l’évolution de la connaissance que l’enfant a de son corps ainsi que la mise en relation de celui-ci avec son environnement, autrement dit l’évolution du schéma corporel. « La notion de schéma corporel est utilisé dans le domaine de la psychomotricité pour désigner un état de conscience, une intuition d’ensemble du corps et de soi-même en tant qu’individu en relation avec le monde environnant. » (C.Stroot, biblio 33)
« Le schéma corporel est la connaissance que l’on a de soi en tant qu’être corporel, c’est-à-dire : nos limites dans l’espace (morphologie); nos possibilités motrices (rapidité, souplesse, etc.); nos possibilités d’expressions à travers le corps (attitudes, mimiques, etc.); les perceptions des différents parties de notre corps; le niveau verbal des différents éléments corporels; les possibilités de représentation que nous avons de notre corps (au point de vue mental ou au point de vue graphique). » (L.Staes)
Paoletti ajoute : « (…) les expériences motrices quotidiennes de l’enfant sont à l’origine de la construction d’une sorte de référentiel postural tridimensionnel qui lui permet d’accomplir des actions de plus en plus adaptées sur le plan spatial (…). Ce cadre spatial de référence posturale infraconscient, intégrant une multitude de sous-espaces associés aux différentes parties du corps, correspond à ce que Paillard décrit comme le schéma corporel. Ce schéma agirait comme un facteur d’intégration des données proprioceptives permettant de « calibrer » les mouvements de toutes les parties du corps. Pour Massion (1997), ce schéma corporel postural jouerait aussi un rôle important dans le contrôle de l’équilibre, dans la mesure où il suppose l’existence d’une représentation interne de la géométrie du corps, des forces d’appui du corps au sol et de son orientation par rapport à la verticale ».
La pratique de l’escalade chez les jeunes est un outil efficace dans la prise de conscience du corps. En effet, l’évolution du schéma corporel chez un enfant passe par les étapes du vécu, de la perception et la connaissance de son corps (= corps anatomo-physiologique), mais également par sa propre perception et l’utilisation qu’on en fait dans sa mise en relation avec le monde extérieur (= corps propre ou « corps sensible », « qui m’appartient ») : « la structuration du schéma corporel résulte de la fusion entre l’image visuelle et l’image kinesthésique : corps visualisé et corps réel ne font qu’un » (Tasset, biblio 33, p.29)
Remarque : la connaissance des données du corps est une étape par laquelle passe chaque enfant, et tout adulte normalement connaît son corps. Par contre, l’utilisation du corps propre intervient lors de tout apprentissage moteur, et intervient donc chez l’enfant comme chez l’adulte.
Les activités en milieu vertical permettront à l’enfant de vivre, sentir, percevoir, connaître et contrôler son corps de mieux en mieux. Les exercices & jeux de coordination, équilibre, sensibilité / perception et contrôle du tonus avec l’importance de la respiration contribuent naturellement au développement du schéma corporel. Ces acquis seront transférables plus tard dans beaucoup d’activités et amélioreront considérablement ses capacités psychomotrices. De plus, par le renforcement musculaire qu’elles suscitent, les activités en milieu vertical favoriseront en autres le contrôle de la posture, les gestes de lancer-rattraper ainsi que le contrôle des ceintures scapulaires et abdominales. Pratiquer l’escalade apporte donc à l’enfant un bon bagage complémentaire dans la construction de son schéma corporel.
La coordination
La coordination est un facteur important dans la structuration du schéma corporel. La capacité d’associer ou dissocier l’action de différentes parties du corps lors de l’exécution d’un mouvement, en fonction des différentes perceptions et des caractéristiques du milieu, est une compétence majeure quand on parle de développement de la prise de conscience de son corps et de ses actions possibles sur l’environnement.
L’escalade, comme n’importe quelle activité physique, implique des actions coordonnées du corps. De par ses caractéristiques, le milieu vertical constitue un excellent support pour le développement de la capacité de coordination chez l’enfant. En effet, les déplacements imposent à la personne de percevoir constamment la position globale du corps et de ses différentes parties dans l’espace (les différents membres et leurs extrémités, le centre de gravité) et de les mettre en relation avec les conditions qu’impose le milieu. Il doit ensuite engendrer une réponse motrice adéquate, en profitant adéquatement de chacun des éléments, le corps agissant alors comme un tout coordonné.
La coordination est la combinaison des contractions musculaires en vue de la réalisation harmonieuse d’un mouvement. Elle est assurée par un bon fonctionnement du tonus, de la proprioception, de la motricité et du cervelet. Elle deviendra de plus en plus difficile et précise en fonction du niveau du grimpeur : il passera d’une coordination dynamique globale (caractéristique de la grimpe intuitive) à une capacité de positionnement du corps de plus en plus précise et efficace associée à une meilleure coordination oculo-motrice (ajustement dans les gestes par rapport au visuel) et intermusculaire (utilisation coordonnée des différents groupes musculaires).
*La coordination dynamique globale met tout le corps en action et comporte des exercices de forme globale et spontanée. On la retrouve dans des circuits de coordination dynamique globale comportant des exercices ou circuits d’agilité, de suspension et d’appuis : monter, se hisser, se suspendre, sauter, prendre, grimper, saisir, glisser s’équilibrer, tomber, se mouvoir, se faufiler, ramper, etc.
*La coordination « association-dissociation » de mouvements représente un travail plus analytique. Elle se retrouve dans l’action associée et/ou dissociée des différents groupes musculaires lors de la réalisation du mouvement. Selon L. Staes, un mouvement d’association pure se caractérise par la mise en jeu de plusieurs groupes musculaires travaillant simultanément de façon parallèle (exemple : pousser en même temps dans les deux jambes), tandis qu’un mouvement en dissociation pure se caractérise par le travail isolé d’un groupe musculaire en laissant le reste du corps immobile (exemple : lever un pied). La combinaison d’actions d’association et de dissociation se définit donc comme un travail simultané de plusieurs groupes musculaires agissant différemment.
On peut parler également de coordination intermusculaire, qui se définit alors comme la capacité à contracter les différents groupes musculaires intervenant dans le mouvement, de manière simultanée et dissociée, et à l’intensité nécessaire, que ce soit pour stabiliser le corps en équilibre dans le but de déplacer un membre ou de récupérer (PME), ou pour se déplacer jusqu’à la prise suivante.
*La coordination oculo-motrice (oculo-manuelle et oculo-pédestre), qui présente une activité motrice associée à un travail visuel. Cette capacité de coordination se rencontre dans chaque mouvement ascensionnel en escalade.
Quelques concepts de progression dans la capacité de coordination en escalade :
La progression en coordination croisée est très courante chez le débutant car c’est une coordination « naturelle » de type « échelle » qui lui permet de rester en équilibre tout en grimpant, ce qui est rassurant. Il s’agit de laisser le temps à l’élève d’assimiler cette forme de progression pour qu’il s’y habitue et se sente à l’aise en milieu vertical. Ensuite, celui-ci pourra construire un bagage gestuel à partir de cette base en proposant des équilibres, placements, et techniques de progression exigeant des coordinations plus complexes.
Au fur et à mesure des répétitions d’un même mouvement dans des situations identiques ou différentes, la coordination pour ce mouvement se renforcera chaque fois plus, le rendant ainsi de plus en plus efficace, économique et précis.
Utiliser et percevoir son corps dans sa globalité, et plus particulièrement son centre de gravité comme base de déplacement en milieu vertical permet une meilleure coordination de mouvements : en effet, si celui-ci devient un référentiel dans les différentes actions de déplacement, les autres parties du corps accompagneront de manière plus logique ses déplacements : déplacer son centre de gravité avant de déplacer ses mains, monter les pieds avant les mains, se rapprocher de la prise suivante avec son corps avant de la prendre avec ses mains, orienter son corps en fonction de la forme ou l’orientation de la prise que l’on tient, etc.
La coordination dépend d’un bon contrôle du tonus et de la proprioception. En escalade, la gestion du tonus et la proprioception augmentent constamment, et la coordination également.
Logiquement, la capacité de coordination s’améliorera avec une prise de conscience des différentes parties du corps de plus en plus fine et précise, et une perception de plus en plus efficace.
La précision dans les gestes est un facteur concret (càd observable dans la pratique) d’amélioration de la coordination. Grâce à l’amélioration du bagage kinesthésique et gestuel, du contrôle du tonus et de la coordination, le grimpeur réalisera des mouvements plus fins et plus précis, et acquerra une pose de pied et une capacité de préhension plus efficaces. Exemple : la pose du pied : le débutant commence par poser le pied en « tapant » sur la prise, et en progressant, apprend à le poser calmement pour prendre appui correctement. On commence par des prises volumineuses (pose globale du pied), ensuite on utilise un point de plus en plus précis du chausson d’escalade, car on arrive à poser la pointe avec contrôle, pour finalement être capable de charger tout le poids du corps sur des prises quasi inexistantes (la dernière étape résulte surtout d’une amélioration au niveau kinesthésique).
Les mouvements techniques et différents placements du corps deviennent de plus en plus précis. La marge d’erreur possible se réduit chaque fois plus avec le niveau du grimpeur. Au fur et à mesure de sa progression gestuelle, la plupart des gestes basiques s’automatiseront.
L’équilibre
Il est aisé de penser que pratiquer l’escalade permet l’évolution de la fonction d’équilibration chez l’enfant, que ce soit en se déplaçant sur le mur sur des prises de pieds de petite taille, en réalisant des montées sans les mains dans des inclinaisons positives, mais aussi en réalisant des parcours d’équilibre ou en marchant en équilibre sur une ligne tracée au sol, une slackline, ou encore des « plots » ou des volumes placés au sol.
Tous ces exercices et jeux vont bien évidemment favoriser l’intégration et la proprioception posturale chez l’enfant, et également améliorer son équilibre en escalade.
B.Lefort propose une liste d’habiletés motrices et de déplacement en relation avec la conservation de son équilibre en escalade :
Pouvoir être en équilibre sur ses pieds,
Ressentir et contrôler un équilibre,
Pouvoir modifier des positions d’équilibres trop symétriques,
Progresser en échelle, croisé ou homolatérale,
Dissocier des ceintures,
Contrôler le quadrilatère d’appui et être capable de réduire vers la ligne d’appui,
Regroupement pieds-mains,
Augmenter son amplitude latérale et verticale, disposer d’un vaste espace d’action,
Utiliser deux prises en opposition,
Réaliser des « croisés » de bras, jambes, jetés, dülfer, etc.,
Maîtriser des postures d’équilibration précaire, des placements de face et de côté,
Progresser par poussée de jambes, progresser à l’amble,
Coordonner des transferts de poids et des déplacements,
Enchaîner des actions d’une PME à la suivante,
Rythmer sa progression,
Adapter son rythme de progression aux caractéristiques de la voie.
Le tonus et la respiration
Le tonus caractérise un état de tension général ou spécifique du corps ou d’une de ses parties. Le contrôle du tonus favorise chez l’enfant un meilleur contrôle sur ses parties du corps et leurs actions possibles sur un objet, une personne, ou plus globalement, le monde environnant. Aussi, il intervient inévitablement lors d’exercices de relaxation ou de prise de conscience du corps, ainsi que lors de la réalisation de mouvements.
Développer le contrôle du tonus chez l’enfant lui permet d’améliorer n’importe quel geste moteur, d’améliorer sa perception kinesthésique du corps (proprioception), son schéma corporel et de contrôler plus efficacement ses émotions. Plus globalement, cela lui permet d’améliorer sa perception du monde environnant et sa capacité d’action sur celui-ci.
L’escalade constitue un outil intéressant dans le développement du tonus chez l’enfant. En effet, le contrôle du degré de tension musculaire dans des moments d’émotions intenses (peur de la chute, pression lors d’un enchaînement, etc..), ou la gestion de l’effort fourni (gérer l’ascension d’une voie, quel degré de tension vais-je mettre en prenant cette prise, etc.) facilite la prise de conscience de celui-ci.
Cette capacité de contrôle permettra à l’enfant de progresser en escalade, et lui permettra de transférer cette compétence dans d’autres exercices ou jeux d’éducation physique et/ou psychomotrice.
La gestion du tonus en escalade est élément important car il permet une meilleure économie d’énergie, une meilleure efficacité du geste, et intervient également dans la récupération dans les voies ainsi que le contrôle du mouvement. Lors de l’enchaînement d’une voie, le tonus varie énormément : il sera maximal dans les passages difficiles ; minimal ou moyen dans les positions de repos (PME) ; et le plus économique possible durant la progression.
Le tonus est également un élément caractéristique du niveau du grimpeur. Une augmentation du tonus peut provenir d’une émotion forte ou d’un passage difficile, la capacité à se relâcher est le signe d’une maîtrise des émotions ou du mouvement, d’aisance. L’augmentation du niveau est également liée à la force musculaire, et plus le niveau augmente, plus le grimpeur sera capable d’augmenter ou diminuer son tonus en fonction de la situation.
La respiration favorisera le contrôle tonique. « Les exercices respiratoires favorisent la prise de conscience du corps. De plus, le contrôle progressif de la respiration va permettre à l’enfant une maîtrise plus correcte de son corps et une meilleure adaptation aux exercices dynamiques (éviter un essoufflement trop important) … ». (L.Staes)
En psychomotricité, on concentrera l’attention sur la capacité de l’enfant à découvrir, vivre, sentir, prendre conscience et connaître les relâchements et contractions possibles du corps en milieu vertical, ainsi que leurs effets sur le geste moteur. On inclura la respiration comme élément facilitateur du contrôle du tonus dans les exercices.
L’évolution du contrôle du tonus en milieu vertical implique :
La capacité à relâcher de manière dissociée chaque partie du corps (relâcher l’épaule en serrant une réglette).
La capacité d’adaptation à la préhension de la prise : être capable de relâcher la tension dans les doigts si la prise est bonne, en la serrant juste comme il faut pour réaliser le mouvement (profitant ainsi de l’adhérence de la prise ou du rocher, ou en coinçant les doigts dans une fissure). Être capable également de valoriser l’appui pédestre en exerçant une pression adéquate dans ses appuis.
L’aisance en milieu vertical et la capacité de contrôle du corps dans le milieu qui augmentent avec la technique gestuelle (le placement correct du corps et recherche de la solution la plus économique), la prise d’information (exploiter toutes les possibilités qu’offre la voie), ainsi que le contrôle des différentes parties du corps et de l’équilibre (diminution des syncinésies).
Le contrôle des émotions (peur de la chute, dernier point d’encrage éloigné lors de la grimpe en tête, passages exposés, gestion de la pression lors d’un enchainement, etc.).
L’utilisation de la respiration d’une part comme élément facilitateur du relâchement des muscles lors des positions du moindre effort (PME), d’autre part comme élément facilitateur des enchaînements difficiles (oxygénation du muscle).
Le contrôle émotionnel
Le contrôle émotionnel en escalade chez un enfant dépendra beaucoup de son tempérament, de sa maturité et de son envie de « dépasser sa peur ». Globalement, nous dirons qu’il ne faut jamais forcer un enfant et le « coincer » dans le baudrier en le forçant à aller plus haut : Il faut qu’il en ait envie. Être en hauteur n’étant pas une situation habituelle, elle impose des changements visuels et perceptifs qui provoquent une situation de stress.
B.Lefort parle de l’influence du stress sur la conduite motrice : il explique que le vide, l’éventualité de la chute et ses conséquences sont deux facteurs déterminants de l’appréhension. Le débutant dépassera progressivement sa peur initiale par un contrôle des émotions et une objectivité de la représentation mentale (calme et lucidité).
Les enfants aiment grimper de façon naturelle et innée, et à travers les jeux et les exercices où nous les inciteront à prendre progressivement confiance dans le matériel, ils pourront progressivement vaincre les peurs initiales et leurs incertitudes pour prendre confiance et prendre de la hauteur. Le moniteur doit énormément jouer et proposer de situations variées pour aider l’enfant à acquérir cette confiance
Le contrôle émotionnel en escalade est un élément qui influence la performance. Les peurs souvent présentes chez le débutant. Il peut éprouver différentes peurs, notamment : peur de grimper, peur du ridicule, peur de tomber, peur de se faire mal, peur de mourir, peur du vide, vertige psychologique, angoisse à deux mètres du sol, peur des déséquilibres inconnus (on ne fait pas) : peur d’avoir peur, peur de l’escalade comme « sport à risque ». Pour un grimpeur expérimenté, les passages engagés sont des moments d’émotion plus intenses où il devient plus difficile de se concentrer sur la grimpe ou de gérer la situation.
Bien qu’il y ait beaucoup de motivation qui poussent à la pratique de l’escalade, la plupart des grimpeurs « s’y accrochent » notamment pour les émotions qu’ils ressentent en grimpant, comme par exemple la sensation de liberté ou de dépassement de soi.
A Lerare et J-P Monot insistent beaucoup sur l’importance de la notion d’incertitude très présente en escalade. L’incertitude est un des paramètres qui va permettre de faire des progrès dans une pratique authentique(…), elle influencera l’action de l’apprenant et l’obligera à prendre des initiatives, à déployer des efforts, à assumer des responsabilités, et à devenir de plus en plus autonome. Cette notion est fortement liée à la prise de risque car prendre un risque c’est accepter un certain degré d’incertitude. Aussi, vaincre l’incertitude provoque une satisfaction personnelle d’autodépassement de soi et renforce la motivation, la confiance en soi et l’audace.
B.Lefort rajoute: « Même si les réactions des débutants varient d’une situation à l’autre, d’un élève à l’autre, d’un moment à l’autre, le grimpeur-élève oscille fondamentalement entre se sécuriser mais échouer dans sa progression ou s’engager pour atteindre son but (et obtenir satisfaction) mais risquer la chute. » Ainsi, la notion de « prise de risque » n’est pas quelque chose à bannir dans les cours contrairement aux croyances. En effet, il existe une différence entre avoir l’impression de prendre un risque (=risque perçu) et le danger objectif que la situation apporte (=risque réel).
Ex : un débutant peut ressentir du stress à prendre de la hauteur simplement en grimpant sur un auto-assureur, alors que le danger objectif est quasi inexistant.
Progresser en « prenant des risques » ?
L’envie de « prendre un risque » peut être un facteur de progrès qui favorise l’évolution des apprentissages. Néanmoins la rupture n’est pas acceptable. La prise de risque s’inscrit donc dans des limites qu’il convient de ne pas dépasser, de ne pas transgresser :
*Si le risque est grossi ou amplifié démesurément : il sera associé à la peur, provoquant méfiance et réticence ainsi qu’une inhibition sur l’engagement de l’apprenant.
*Si le risque est correctement dosé : il provoque une motivation importante, l’envie de défier, d’accomplir un exploit, de se réaliser, de se montrer.
Le moniteur fera face à cette diversité d’attitudes en trouvant l’organisation adaptée pour inciter l’un à oser, et moduler l’exubérance de l’autre.
Quel que soit le niveau de « risque perçu » par l’élève, la sécurité sera toujours maximale et le moniteur laissera progressivement l’élève contrôler sa sécurité en fonction de l’augmentation de ses compétences. Il est très important que chaque élève intègre à son niveau la notion de sécurité. Cette notion englobe trois aspects : la gestion de sa sécurité et celle des autres à n’importe quel moment, la sécurité spécifique aux comportements en escalade et le fait de pouvoir interrompre sa progression quand il est encore temps, soit pour redescendre, soit pour relancer son action. Il y a donc une intention permanente de développer chez l’apprenant l’initiative, la responsabilité et l’autonomie.
La progression de l’élève en matière de sécurité et prise de risque dépendra de plusieurs facteurs : la conscience du danger, la capacité d’anticipation, la capacité de prise de décision et d’initiative, le contrôle émotionnel, le bagage technique et l’expérience (variété des situations).
La conscience du danger se développe avec l’âge, et dépend également de la personnalité de l’individu. Cette notion influencera le risque préférentiel de la personne (voir plus bas).
Le bagage technique et l’expérience ainsi que le contrôle émotionnel agiront sur les capacités de prise de décision, d’anticipation, et d’initiative. Celles-ci dépendront également de la personnalité de l’élève, mais ce facteur peut être compensé par un bon apprentissage technique et de l’expérience.
Le contrôle émotionnel est étroitement lié à l’expérience (« habitude au vide », confiance dans le matériel, etc.) et à la personnalité de la personne. Un élève téméraire aura plus vite confiance dans le matériel et contrôlera plus facilement ses émotions en milieu vertical, tandis qu’un moins audacieux nécessitera plus de vécu et d’apprentissage pour se sentir plus à l’aise.
On peut regrouper ces différents éléments sous deux grands schèmes, à savoir le niveau émotionnel (qui sous-entend l’amélioration progressive de la conscience du danger, la capacité d’initiative et le contrôle des émotions, ainsi qu’une augmentation croissante de l’expérience du milieu vertical) et le niveau technique (qui sous-entend une amélioration progressive et une intégration de plus en plus approfondie du bagage technique, de la capacité d’anticipation, de prise de décision et d’initiative).
« Après un certain nombre d’années d’expérience, il nous a semblé que l’apprenant confronté à des problèmes adaptés à son niveau est en mesure non seulement d’apporter des solutions, mais de les réinvestir dans d’autres situations. La prise de risque, disséquée, analysée par le pédagogue peut dans ces conditions être un facteur de progrès et un facteur décisif dans la nécessaire compréhension de la prévention. » (A.Lerare et J-P Monot, biblio1, P.42)
« Il s’agit de mettre l’apprenant en situation de réussite, tout en la plaçant dans des conditions qui comportent les risques inhérents à l’activité, sans pour autant qu’il soit en position de rupture.
L’élève est toujours actif, toujours en état de progresser, et toujours responsable.
L’aménagement constitue l’élément essentiel pour la conquête et la maîtrise des apprentissages, car il met en place, enrichit, sollicite, offre de nouvelles possibilités, pose de nouveaux problèmes, permettant ainsi à l’apprenant de mettre en adéquation ses possibilités dans le champ maîtrisé des incertitudes. » (A Lerare et J-P Monot, biblio1, P.43)
La gestion des émotions comme source de motivation
Les émotions positives ressenties lorsqu’on pratique l’escalade sont des moteurs puissants pour la motivation. On retrouve entre autre l’agrément de pratiquer une activité à la mode, le désir de se démarquer socialement -par une activité encore « décalée »-, le désir de triompher, le plaisir du geste et des sensations, le plaisir de se mettre au défi et se dépasser, la joie de vaincre, etc.
Par ailleurs, des émotions négatives telles que la peur peuvent provoquer une régression importante du comportement, de la qualité de la prise d’information et de la motivation.
Selon B. Fontaine, la gestion des émotions constitue un facteur qui favorise l’autonomie de l’élève et permet de renforcer la motivation : « une pratique librement consentie favorise le progrès et renforce la motivation intrinsèque ; elle est liée au sentiment de compétence et d’autodétermination. Une condition nécessaire mais pas suffisante. Il convient d’apprivoiser les obstacles d’ordre psychologique comme la peur de l’échec, la gestion du stress et de ses émotions. Seule la détermination permettra de réussir ses objectifs. »
B. Fontaine propose 5 cas d’attitudes motivationnelles lors de tests réalisés avec des enfants de 7 à 9 ans :
Cas 1 : l’enfant a peur, est très crispé, n’a pas ou plus envie d’essayer et abandonne devant l’obstacle : il renonce ou tombe.
Cas 2 : l’enfant est crispé sur les prises ou n’a plus envie d’essayer, mais il fait un effort pour continuer. Il ne semble pas savoir quel parti prendre. Il réussit finalement après un gros effort de volonté sur lui-même.
Cas 3 : l’enfant reste parfois longtemps statique, indécis. Il hésite à s’engager, perd sa concentration et sa détermination s’il ne trouve pas assez vite et peut aussi, dans certains cas agir n’importe comment.
Cas 4 : l’enfant est décidé et concentré la plupart du temps, il se distrait un moment (caméra, bruit de salle), mais cela ne l’affecte pas significativement dans son déplacement. Certains peuvent avoir un geste plus précipité par impatience mais sont suffisamment prudents ou adroits et n’agissent qu’à coup sûr
Cas 5 : l’enfant est concentré, reste présent et engagé dans l’action ou la réflexion. Désir d’exploration, initiatives et décisions. L’enfant ne s’énerve pas s’il ne trouve pas immédiatement une solution, mais reste motivé par la recherche de la solution.
Une activité d’audace qui renforce la confiance en soi
Selon L.Staes, trois facteurs favorisent l’établissement de la confiance en soi chez l’enfant :
L’implication personnelle : l’enfant sera plus confiant en lui-même s’il se sent acteur dans la société en pouvant voir l’utilité sociale ou personnelle de son pouvoir.
Le succès assuré : la réussite engendre la confiance. Les tâches doivent être adaptées aux différentes compétences (proposer des situations de prise de risque adaptées au niveau de l’enfant renforce sa confiance en lui-même).
Le commentaire appréciatif des adultes : celui-ci mettra en évidence le fait que la réussite est appréciée.
Elle rajoute également : « l’audace est une manifestation de la confiance en soi, en ses capacités physiques, mais aussi d’une maîtrise de l’environnement. Donner la possibilité à l’enfant de développer son audace (de façon mesurée) va lui permettre d’augmenter sa confiance en lui. Ceci ne se limite pas au domaine physique, mais se répercute également dans la vie sociale. »
L’escalade est une activité d’audace grâce au contrôle émotionnel qu’elle implique, dû aux facteurs d’incertitude et de prise de risque. Cette activité aura donc un impact sur la confiance en soi. Pour la renforcer, il s’agira d’installer un climat de confiance et sécurisé et valoriser l’effort d’audace réalisé.
Ci-dessous, différentes activités d’audace en lien avec l’escalade et permettant le développement la confiance en soi chez l’enfant sont proposées :
*Oser manipuler : oser agir sur le mur, prendre des prises de différents tailles ou formes pour évoluer, grimper avec une balle ou des gants de boxe, etc…
*Oser se placer en hauteur : oser grimper de plus en plus haut, traverser en gardant la même hauteur, tenir en équilibre sur ses deux pieds dans un coin de mur (opposition), etc…
*Oser descendre : oser désescalader (il s’agit au début de l’aider et lui apprendre s’il n’y arrive pas tout seul), oser se laisser tomber dans le mousse de réception, etc…
*Oser traverser : traverser le mur d’un endroit à l’autre sans tomber, en respectant une couleur de prise ou dans un espace délimité, traverser un pont de singe, etc…
*Oser se sentir en position instable : accepter les déséquilibres momentanés, les déséquilibres contrôlés et les déséquilibres aléatoires présents dans l’action de grimper, etc.
*Oser ne pas voir : oser grimper les yeux bandés ou avec une vision limitée (casquette, lunettes de soleil réduisant la vision, etc.
Évolution du contrôle émotionnel en escalade
L’escalade suscite un apprentissage de perception et de contrôle des émotions grâce à la présence de deux éléments-clés inhérents à l’activité : le facteur d’incertitude et le facteur de la prise de risque (toujours contrôlée et sécurisée par le moniteur). Ces deux facteurs permettent à l’élève de développer de la confiance en soi et l’audace, favorisant ainsi son développement social. En effet, les qualités travaillées comme la motivation à l’activité physique et au dépassement de soi ainsi que le contrôle émotionnel lui seront utiles dans la vie quotidienne.
Le contrôle émotionnel en escalade chez un enfant dépendra beaucoup de son tempérament, de sa maturité et de son envie de « dépasser sa peur ». Globalement, nous dirons qu’il ne faut jamais forcer un enfant et le « coincer » dans le baudrier en le forçant à aller plus haut : Il faut qu’il en ait envie. Être en hauteur n’étant pas une situation habituelle, elle impose des changements visuels et perceptifs qui provoquent une situation de stress.
Le débutant dépassera progressivement sa peur initiale par un contrôle des émotions et une objectivité de la représentation mentale (calme et lucidité).
Les enfants aiment grimper de façon naturelle et innée, et à travers les jeux et les exercices où nous les inciteront à prendre progressivement confiance dans le matériel, ils pourront progressivement vaincre les peurs initiales et leurs incertitudes pour prendre confiance et prendre de la hauteur. Le moniteur doit énormément jouer et proposer de situations variées pour aider l’enfant à acquérir cette confiance.
Le débutant en escalade peu éprouver différentes peurs, notamment : peur de grimper, peur du ridicule, peur de tomber, peur de se faire mal, peur de mourir, peur du vide, vertige psychologique, angoisse à deux mètres du sol, peur des déséquilibres inconnus (on ne fait pas) : peur d’avoir peur, peur de l’escalade comme « sport à risque ».
Il arrive parfois que certains enfants donnent l’impression de régresser au niveau de la peur : « avant, il allait tout en haut du mur et maintenant il n’ose plus ! ». Bien souvent, cette étape arrive avec le développement cognitif de l’enfant vers 5-6 ans quand il réalise que s’il tombe, il peut se faire mal. Il s’agit simplement de le laisser passer cette étape, de la rassurer et de continuer à installer de la confiance.
Étapes de progression
Au début,
L’enfant ose grimper en moulinette (sur dalle et dévers positif – pas de grimpe en tête) mais n’atteint pas le sommet d’une voie et atteint difficilement le sommet d’un bloc.
Ose réaliser des actions dans un environnement proche et aménagé (ex : zone bloc confinée)
– Pas encore de confiance en l’assureur ni le matériel (il arrive que la personne crie sur l’assureur, pleure ou tape sur le mur)
– Alternance de refus et d’acceptation momentanées
– Ne grimpe qu’avec la corde en tension
– Ne veut pas tomber, se laisser difficilement pendre sur la corde ou lâcher à l’auto-assureur, préfère descendre en désescaladant ou en s’accrochant aux prises.
– Se retourne ou est bloqué sur la paroi
– Crispation sur les prises
– Tire sur les bras, serre les prises
– Si la personne est bloquée, elle tiendra jusqu’au bout de ses forces
– La personne a tendance à descendre par le même chemin que celui emprunté
– Grimpe en apnée et pas de contrôle du tonus, crispation ceinture scapulaire
– L’autre est embarrassant (croiser quelqu’un est difficile)
– La présence d’un moniteur influence les réalisations (encouragements)
Ensuite,
– Dépasse sa peur en moulinette, ose grimper en moulinette
– Atteint plus facilement le sommet d’une voie ou le sommet d’un bloc, une certaine habitude à la hauteur et au vide s’installe, l’appréhension initiale diminue.
– Acceptation de nouveaux déséquilibres (diminution de la grimpe type « échelle »)
– Descente en position de rappel correcte : pieds à plat sur le mur, mains sur le nœud, éloignement des épaules par rapport au mur
– Gestion du tonus : relâchement, moins crispé sur les prises, mouvements fluides, etc.
– La peur de la chute est réduite et la concentration se centre de plus en plus sur la grimpe
– La confiance dans le matériel et dans les techniques d’assurage ou les auto-assureurs s’installe : ose se laisser pendre dans la corde, se lâche facilement à l’auto-assureur.
– Contrôle ses appréhensions
– Confiance limitée dans un assureur « habituel »
– Accepte de grimper sans une tension permanente de la corde
– Se pend aisément dans le baudrier, pas d’hésitation
Progressivement, on arrive à :
– Confiance dans le matériel et en l’assureur : peut se lâcher en moulinette sans prévenir
– Confiance totale lors de la descente : les mains sont libérées, une descente plus rapide suscite du plaisir. Se laisser balancer sur la corde de côté ou faire des « sauts de grenouille » devient ludique
– Arrive facilement en haut du mur, éventuellement avec une seule couleur
– Grimpe en moulinette sur tous les reliefs, ose grimper dans un dévers ou un toit
– Accepte des mouvements avec des déséquilibres temporaires
– Ose faire un rappel
– Ose faire un « pendule »
– Pendant la grimpe, on ne constate plus de perte d’énergie significative dues aux émotions
– À ce niveau, on commence des exercices de simulation de grimpe en tête
Enfin, on se dirige vers :
– Grimpe en moulinette : habitude au stress, dépasse sa peur en grimpant, prise de risque voulue et calculée dans des passages exposés, se laisse chuter pendant un mouvement, ose aller jusqu’au bout, accepte l’aléatoire.
– Grimpe en tête : une fois la sécurité bien intégrée en ayant respecté les exercices et étapes d’apprentissage (simulation au sol, avec contre-assurage puis exercices de chute) réalisés ainsi qu’une maturité suffisante, il peut oser grimper certaines voies en tête, nécessitant quelques conditions :
*Grimpe sur des voies faciles, connues, ou maîtrisées, en dalle ou dévers positif
* Pas de prise de risques
* Voies équipées impeccablement
* Appréhension de la chute
* Perte des capacités lors de passages difficiles, chutes volontaires et contrôlées
Finalement :
– Grimpe en tête à son niveau maximal
– Chutes en ayant dépassé la dégaine sans forcément avertir l’assureur
– Concentration sur la grimpe
– Contrôle du corps, contrôle de la respiration
– Voie de plusieurs longueurs en premier ou second de cordée
– Grimpe sur tous les reliefs en tête
L’apprentissage du respect des limites et des consignes pour développer son autonomie…
SÉCURITÉ ET GESTION DU RISQUE AVEC LES ENFANTS ET JEUNES EN ESCALADE
Au cours de son enfance, l’enfant apprendra à respecter les limites et consignes imposées par la vie et les différentes activités qu’il réalise. Cette éducation est une aide à une bonne adaptation sociale, car le respect aide à la socialisation.
De plus, toute activité nécessite des règles et des limites qui lui donnent un sens et un but, et permettent d’éviter des accidents ou disputes.
L’éducation au respect des limites et des consignes se réalisera progressivement, et au cours de celle-ci il faudra soutenir l’enfant dans ses actions en lui indiquant comment et pourquoi se corriger, en approuvant les actions positives et en encourageant les efforts. Les excès de direction et de punitions s’avèrent nuisibles à partir d’un certain point et peuvent décourager la spontanéité, l’initiative, et le sentiment de la responsabilité personnelle dans la réussite. Cependant, quand cela s’avère indispensable, il est nécessaire de poser fermement les limites.
- Quelques étapes-clé…
L’enfant au cours de son évolution, passera par différentes étapes. Il découvrira différentes émotions : la rage puis la frustration (première année) qu’il devra apprendre à tolérer pour éviter des désagréments dans sa vie future. Cette tolérance sera favorisée par une relation mère-enfant affectueuse.
De 1 à 3 ans, il découvrira les notions de punition, d’interdit, qu’il percevra au début comme perte d’amour, de valeur, et les compensations des peines se réalisent à travers le processus du jeu symbolique*. Ce processus permet à l’enfant de résoudre ses conflits internes pour une adaptation harmonieuse au monde dans lequel il évolue. Pendant le stade anal (vers 2-3 ans, période d’opposition), il apprendra qu’un jeu ne peut pas se pratiquer n’importe où et n’importe quand, mais qu’une fois les règles respectées, ce jeu permet de plaire ou non à l’entourage.
De 3 à 6 ans, il sera confronté entre le plaisir et la réalité, et apprendra qu’il doit tenir compte de la réalité extérieure pour parvenir à ses fins (faire le nécessaire pour obtenir satisfaction). À cette période, une autorité bien assurée de la part des parents, mais simultanément rassurante et déculpabilisante, permettra à l’enfant d’intégrer une conscience morale qui lui permettra de s’adapter aux exigences d’un cadre social. A cet âge également, le dialogue est essentiel pour lui expliquer le pourquoi des contraintes. La capacité à comprendre la logique derrière les consignes commence vers 4 ans.
*« Le jeu symbolique est une manifestation de la fonction symbolique. Il apparaît entre 18 mois et 2 ans, lorsque l’enfant commence à faire semblant d’exécuter une action de sa vie, en dehors de son contexte (semblant de dormir, de manger, etc.). L’imitation différée lui permet ensuite d’évoquer un modèle absent (action, mère, père, personnage, animal…). Il s’accommode ainsi de la réalité en l’imitant telle qu’il la perçoit. Le processus se poursuit par des jeux de « faire semblant », au cours desquels l’enfant attribue lui-même des rôles aux objets et aux personnages qu’il s’invente ou qu’il manipule. Il assimile ainsi la réalité. Apparaissent ensuite des scénarisations de plus en plus complexes. Ce processus permet à l’enfant de résoudre ses conflits internes pour une adaptation harmonieuse au monde dans lequel il évolue ».
De 6 à 9 ans, les enfants se regroupent spontanément pour jouer et travailler ensemble. Les pairs sont devenus une source de valorisation et il découvre sa vulnérabilité par rapport à l’adulte. Il se sentira grand parmi ses pairs, et se sentira distant de l’adulte auquel il est soumis. L’enfant aura accès à cet âge à des notions familières telles que le respect mutuel, le droit à la parole, la prise de responsabilité, la critique et l’autocritique.
De 9 à 12 ans, l’enfant a besoin de limites bien établies et qu’on ne transgresse pas, son intelligence se développant dans le sens d’une logique de plus en plus abstraite. Ceci dit, il faut éviter l’autoritarisme excessif et justifier les limites imposées. L’enfant tentera de les dépasser, et ensuite les transgressera, et c’est dans un esprit de dialogue et de respect commun que les conflits se résoudront, permettant à l’adulte de maintenir les limites qu’il juge importantes, et permettant d’établir les limites jusqu’où l’enfant osera s’aventurer lors de tentatives ultérieures.
À ce stade, nous pouvons établir le constat suivant : l’enfant a besoin de se confronter aux limites pour se construire et s’intégrer socialement, et ce à différentes étapes de sa vie. L’intervention de l’adulte quant au respect des limites et des consignes est primordiale et importante pour l’accompagner dans cette construction, et la pratique de l’escalade peut s’avérer être un outil pratique et intéressant.
En effet, ce sport présente des risques inhérents qu’il convient de réduire en prenant des mesures et en respectant certaines limites et consignes, et c’est là que réside son intérêt. Les consignes données par le moniteur font vite sens pour une personne qui va pratiquer. De plus, un enfant qui aurait tendance à transgresser les limites en adoptant des comportements dangereux comprendra facilement les limites imposées par le moniteur : celui-ci pourra facilement lui expliquer le sens d’une interdiction s’il se met en danger ou met en danger un autre participant.
- Quelles limites et consignes ? Lien avec l’escalade…
L.Staes propose différentes catégories d’activités à travailler pour favoriser le développement du respect des limites et consignes :
*Respect des limites spatiales : limites définies dans l’espace de jeu. Ex : chacun grimpe à son atelier ou sa voie sans occuper l’espace des autres, grimper dans un couloir étroit, ne pas prendre certaines prises, prendre des prises d’une seule couleur (5-6 ans), établir des camps, « touche-touche plus haut » (7 ans), passer d’une limite à l’autre sans se faire toucher (5 ans),
*Respect des limites temporelles : limites correspondant au temps d’activité ou d’exécution. Ex : répondre à un signal (de départ, de changement d’activité, d’arrêt), ou à une durée (accepter de passer par tous les ateliers, règle de « chacun son tour » (attendre son tour pour grimper, vers 4, 5 ans)
*Respect des consignes :
- –Consignes données par un meneur ou le moniteur : « Jacques a dit… » sur le mur, consignes au jeu « touche-touche », etc.
- –Consignes inhérentes à l’activité : ce sont les règles sans lesquelles le jeu ou l’activité n’a pas de sens (course relais sur le mur, prise de foulard, course de vitesse)
–Consignes d’interdiction : ces consignes sont très présentes en escalade. L’activité en hauteur exige de la part du moniteur un niveau de sécurité maximale, et l’enfant doit respecter les consignes préventives (avant l’activité) et intrusives (pendant l’activité) de celui-ci.
En fonction de l’âge, le moniteur sera plus ou moins directif, en expliquant le pourquoi de celles-ci. Il restera toujours très attentif aux éventuelles distractions et erreurs commises par les élèves, débutants ou confirmés, jeunes ou adultes.
Avec le bagage technique et l’expérience, l’élève deviendra de plus en plus responsable et intégrera de mieux en mieux les consignes car il en aura intégré le sens. Cette progression qui permet au professeur de laisser chaque fois plus de place à la sécurité active.
On pourrait dire que l’élève aurait accès à une « liberté relative croissante », la sécurité passive imposée par le professeur étant de moins en moins importante, mais toujours présente.
L’élève face aux consignes
L’escalade, de par ses caractéristiques, aidera l’enfant à réaliser l’importance du respect des consignes et des contraintes exigées par un sport ou un jeu, et favorisera le transfert de cette capacité sur d’autres activités (sports ou jeux) et plus globalement, dans la vie quotidienne.
Sa pratique impose des consignes de sécurité indispensables et facilement compréhensibles, et l’élève les apprend et les respecte rapidement pour pouvoir se faire plaisir en grimpant. Il prend rapidement conscience que s’il ne les respecte pas, il se met en danger et met en danger son compagnon.
Le niveau de conscience morale de l’élève influencera également le respect des limites et des consignes…
Les enfants jusqu’à 6-7 ans auront tendance à respecter les règles dictées par le professeur, bien que distraits et forts impliqués dans l’action. Il faut cependant rester conscient que jusque 6-7 ans, l’enfant pense de manière égocentrique, et son incapacité à se décentrer lui empêche de prendre conscience de l’importance de la sécurité et de sa responsabilité sur le partenaire en tant qu’assureur.
De 8 à 12 ans, ils commenceront à intérioriser la conscience du risque et les dangers. Ils restent malgré cela encore très présents dans l’action et réalisent des erreurs de distractions. Le moniteur maintiendra à cette période un niveau de sécurité passive élevé. En effet, il n’est à l’abri d’une erreur de distraction ou d’une initiative de la part d’un élève qui n’aurait pas bien intégré le pourquoi d’une consigne (ex : « je ne visse pas mon mousqueton : ce n’est pas indispensable car il tient de toute façon »).
Vers les 12 ans, au début de l’adolescence, le groupe et ses règles prennent leur importance, et même si un enfant a intégré les consignes il faudra rester attentif aux erreurs provoquées par « l’effet de groupe », caractéristique de la morale conventionnelle, dont les lois sont parfois très dangereuses. L’élève pourra vouloir agir en fonction de ses camarades (les impressionner, par exemple), et prendre un risque dangereux si l’influence de ceux-ci est plus forte que sa peur ou sa conscience du danger.
- L’autonomie en salle d’escalade, à partir de quel âge ?
Jusqu’à 12 ans, quel que soit l’âge, le niveau moral et le niveau de conscience du danger de l’élève, le moniteur restera toujours attentif aux initiatives, distractions, en proposant des exercices adaptés au niveau de l’élève et dont la sécurité est toujours maximale, et en prenant soin d’expliquer le pourquoi des consignes pour en faciliter son intégration.
Il tiendra également compte du niveau de compréhension lors de l’explication des règles et consignes à respecter car un élève qui grandit passe par différentes étapes. Au début, il obéira à l’adulte sans se poser de questions (il a d’autres raisons d’obéir que de comprendre le sens de la consignes), ensuite il deviendra progressivement demandeur d’explication et de sens quant aux limites imposées en restant toujours obéissant à l’adulte. Enfin, il aura besoin de se confronter à celles-ci pour se construire, et l’intervention ferme de l’adulte le rassurera, le sécurisera et lui permettra de devenir responsable et capable de discernement. Il pourra ainsi devenir autonome.
L’évaluation des capacités d’autonomie d’un jeune pour la pratique de l’escalade ne pourra se faire qu’après être passé par toutes les étapes du respect des limites et consignes, càd pas avant l’âge de 12 ans.
En escalade, nous pourrions considérer que l’autonomie dépendra de deux grandes capacités : la maturité du jeune, en lien étroit avec sa capacité de discernement, l’intégration des risques liés à l’activité et les comportements qu’il adopte pour les réduire au maximum. Ensuite, son bagage technique et expérientiel spécifique à l’escalade.
Nous pourrions considérer que la capacité de discernement est présente lorsque le mineur a atteint une maturité cognitive et émotionnelle suffisante pour comprendre le but, les effets et les conséquences indésirables d’une situation risquée pour lui-même ou une autre personne. Le jeune devra être évalué par le moniteur sur les décisions qu’il prend plus que sur les résultats (comment (ré)agit-il même s’il n’y a jamais eu d’accident ?)
Au moment de la puberté, il y a le début de la mise en place de quelque chose qui apporte souffrance et incertitude car il y a beaucoup de questionnement et de recherche de son identité par rapport à celle de la famille et par rapport à celle du groupe: l’adolescent doit faire partie du groupe mais en même temps se construire comme individu à part entière. L’autonomie implique le deuil de beaucoup de choses d’enfants et c’est un passage difficile. Les comportements « limites » à cet âge répondent donc bien souvent à un objectif de recherche identitaire et peuvent être risqués ou instables. C’est pourquoi celui-ci devra démontrer sa capacité à adopter un comportement rassurant lors des cours pour que le moniteur puisse envisager de le laisser grimper seul.
Le bagage technique et expérientiel dépendra évidemment de la formation qu’il a reçue (nombre de cours suivis), de son expérience (régularité) et de son niveau de grimpe. Également de son niveau émotionnel (gestion du risque perçu et réel). Il devra démontrer clairement au moniteur
- qu’il a intégré tous le contenu du cours de base 1 et cours de base 2 et maîtrise les techniques qui y sont enseignées.
- qu’il respecte les règles de la salle d’escalade, qu’il connaît les risques liés à l’activité et les erreurs à éviter
- qu’il maîtrise et applique les mesures à prendre pour réduire ces risques au maximum.